Noël Gastinel (1925-1984)

Une revue de la carrière scientifique novatrice
de Noël Gastinel

Jean Della Dora
Conférence donnée le 2 décembre 1985 en hommage à Noël Gastinel
The tribute Jean Della Dora paid to Noël Gastinel is available [here]

Noël Gastinel est décédé le 11 septembre 1984 à la suite d’une longue maladie. D’autres, sans aucun doute, le connaisse mieux que moi, et sont plus qualifié que moi pour parler de lui. En dépit de cela, je suis obligé de rendre hommage à l’un des fondateurs d’une nouvelle discipline, sur lesquels les premiers développements ont reposé : le champ des mathématiques du calcul.

Par-dessus tout, nous devons rappeler que Noël Gastinel était passionné par les appareils : radios, modèles réduits, ordinateurs, caméras, photographiques, vidéos … Il aimait nous rappeler qu’il connaissait toutes les longueurs d’ondes des radios du département du Var (dont il était natif et avait passé ses années de jeunesse). Peut-être exagérait-il un peu !!! Cette passion lui resta tout au long de sa carrière après que le Professeur Jean Kuntzmann l’eut appelé pour travailler au sein du tout bourgeonnant Laboratoire de Calcul et Mathématique Appliquées de l’Institut Polytechnique de Grenoble.

La conférence de Jean Kuntzmann, rappelant les jeunes années du développement grenoblois des Mathématiques Appliquées, fournit une idée claire de cette période. Le travail de Noël Gastinel débuta par un plongement dans  des articles de Von Neumann et Turing. En un certain sens, on peut dire que ces deux personnalités restèrent avec lui tout au long de sa carrière.

Avant tout, il dût lire l’article de J. Von Neumann1 et H.H. Goldstine (il était sans doute l’un des seuls à avoir le courage et la capacité de le faire à cette époque) puis, celui de A. M. Turing2. Cet effort fût à la base de plusieurs publications au CRAS4 qui constituent plusieurs chapitres de sa thèse, soutenue en décembre 1960. Celle-ci fut  l’une des premières, sinon la première, thèses en Analyse Numérique publiées en France.

En ces temps, la France avait un handicap très lourd en Analyse Numérique, thème créé en 1947 (par le National Bureau of Standard et le Laboratoire de Mathématiques Appliquées dont l’un des départements se nommait « Institut for Numerical Analysis). Des traces de la terminologie « Analyse Numérique » remontent au moins à 1798 par un article de Lagrange (de l’Ecole Polytechnique) : « Essais d’Analyse Numérique sur la Transformation des Fractions ». 

Citons un court passage de la thèse de Noël Gastinel dans lequel il résume ses idées :

« L’Analyse Numérique présente apparemment deux visages : le domaine relatif à la recherche de méthodes, c’est l’algorithmique algébrique et le domaine relatif au contrôle et à l’approximation, c’est le domaine topologique.
En théorie, l’Analyse Numérique constitue un lien naturel entre l’algèbre et la topologie.  La raison profonde pour cela est basée sur la définition des nombres réels au sein de laquelle le double point de vue reste implicite
. »

Nous devons noter la proximité de ces remarques avec celles de A.S. Householder5 :

« Je peux formuler ce que je considère comme l’objet de l’Analyse Numérique. J’ai indiqué que le calcul peut produire un ensemble fini de nombres, mais ne peut pas produire une fonction, sauf au sens très limité du calcul des paramètres qui servent à identifier cette fonction comme élément d’une classe limitée de fonctions considérées comme connues.
En conséquence, si une équation fonctionnelle doit être résolue, cette équation doit en un certain sens être approchée par un système d’un nombre fini d’équations. Si l’équation est une équation aux dérivées partielles, alors on doit pouvoir poser un système d’équations aux différences qui satisfont approximativement les valeurs de la fonction cherchée en un nombre limité de points particuliers.
La question de savoir de combien sont proches la vraie valeur de la solution de ces équations aux différences et les vraies valeurs de la solution de l’équation différentielle est une question que je considère relever du domaine de l’analyse fonctionnelle et non de celui de l’analyse numérique. Je considère que l’analyse numérique est concernée par la solution du système fini d’équations et l’évaluation des méthodes proposées selon trois critères : l’erreur de troncature, la propagation des erreurs et quelque mesure de l’ordre de grandeur du cout de calcul. Après usage, cette dernière mesure peut être simplement le nombre de multiplications et de divisions
. »

N’oublions pas l’énorme contribution des ouvrages de A. S. Householder sur les premiers développements de l’Analyse Numérique5. Je crois fermement que, depuis le début, Noël Gastinel avait compris l’importance du domaine de l’Analyse Numérique. Il observait souvent la situation insatisfaisante créée par la proximité des termes « Numérique » et « Analyse » et je crois personnellement qu’il aurait préféré le nom de « Mathématiques du Calcul », répondant mieux au champ précis au sein duquel ses contributions se sont insérées.

La thèse de Noël Gastinel (1960)

Le chapitre 1 commence par la notion de matrices du second degré (c.-à-d. matrices de polynôme minimal de degré 2) et les outils fondamentaux pour les étudier : matrices de rang 1 de la forme X.Yt où X et Y sont des vecteurs de Kn.

On retrouve souvent ces matrices dans les thèses citées ultérieurement.

Le chapitre 2 s’oriente vers l’étude des normes. Noël Gastinel, partageant l’opinion de A Householder, il comprenait que l’Analyse Numérique terminait toujours dans Rn, mais soulignait l’importance de mesurer correctement dans cet espace : il était donc nécessaire d’être familier avec les notions de normes. Cette question le hanta tout au long de sa vie et fût à l’origine des thèses de F. Robert, J.F. Maitre, Pham Dinh Tao ainsi que des articles avec J.C. Miellou et dans « Numerishe Mathematik »4.

Le chapitre 3 fouille l’idée de conditionnement numérique. Ceci est d’une importance capitale et sa définition est en fait une généralisation de celle adoptée par Von Neumann et Turing. Noël Gastinel fournit une description détaillée de cette notion et, comme toujours, il dévie et l’applique à un exemple instructif : Hn la matrice de Hilbert. Combien d’entre nous ont été confrontés et doivent à ces exemples étonnants…

Avec le chapitre 5, il se met à l’assaut du cœur du problème : « les erreurs dans la résolution de systèmes linéaires par élimination de Gauss ». En fait, Noël Gastinel insista tout au long de sa carrière sur l’importance d’étudier attentivement les erreurs numériques : les calculs numériques engendrent la notion d’erreurs numériques et ceci est d’une importance essentielle. Permettre à un algorithme de tourner des heures sur une machine sans connaitre l’arithmétique de base de la machine (codage des nombres réels, calcul des fonctions élémentaires) relève de pure folie. Avec cela en tête, il passait des heures à examiner, étudier et analyser les sorties numériques en vue de critiquer les résultats numériques.

Cet effort donna lieu plus tard à une thèse que Noël Gastinel admirait le plus : celle de Mme M. Pichat en 1976.

Finalement, dans le dernier chapitre de sa thèse, Noël Gastinel amène le problème des valeurs et vecteurs propres dans le domaine de son astucieuse attention ; un thème qui fut un point focal d’intérêt au cours de sa carrière (thèses de F. Chatelin ; J. Wolf, M. Duc-Jacquet, J. Della dora, C. Espinoza). Il étudia ce domaine dans ses aspects numériques comme ses implications géométriques. Il portait personnellement une grande admiration à l’algorithme LR de H. Rutishauser, qui inspira l’algorithme QR, maintenant universellement connu.

A peu près à la même époque, Noël Gastinel fut impressionné et influencé par le travail réalisé par les Américains dans le domaine de l’algèbre numérique, et en particulier par le groupe de Gatlinburg. Cette admiration ira croissante au cours de sa carrière.

Noël Gastinel rapporta de la première Conférence de Gatlinburg en 1963 la maintenant bien connue notion de fonction spline.  Son travail pour développer cette idée donna lieu à plusieurs thèses et articles : thèses de Marc Atteïa, C.F. Ducateau, M. Duc-Jacquet, P. Chenin, … comme des articles avec J.L. Joly… Énumérer tous les travaux menés par, avec ou en liaison avec Noël Gastinel serait une tâche vraiment ardue, sans vouloir exagérer. Par la suite, Pierre-Jean Laurent releva le challenge de développer ce domaine, obtenant des résultats maintenant bien connus. (Thèses de C. Carasso, M. Eberhard, J. Duchon, F. Utreras).

On doit parler du sujet des fonctions splines en lien avec l’intérêt de Noël Gastinel pour les problèmes d’interpolation et d’approximation : il était très intrigué par ce sujet. De fait ses contributions sont considérables :

  • Sur la théorie de l’extrapolation (thèses C.F. Ducateau, M. Duc-Jacquet),
  • Sur la théorie de l’approximation (articles sur la meilleure approximation dans C([a,b]) (thèse de J. Wolf),
  • Sur l’approximation dans le champ complexe et le calcul des approximants de Padé (thèse de C. Brezinski, J. Gilewics, J. Della Dora, B. Lacolle, J. Roche,…),
  • Sur la théorie de l’interpolation (thèse de J.F. Ducateau, P. Chenin,…).

Il s’est attaqué au problème des Équations aux dérivées partielles (EDP) avec la même vitalité et le même enthousiasme : dirigeant 8 thèses (3ème cycle) toujours en résolvant des problèmes présentés par les utilisateurs ainsi que la contribution de bases théoriques avec la thèse de J.C. Miellou. Pendant de nombreuses années, il enseignera dans ce domaine. Personnellement, je pense qu’il a adopté un point de vue d’analyste numéricien pour cette tâche. En effet, ce qui l’intéressait avant tout, c’était la manière dont les calculs peuvent être effectués en toute sécurité et il a montré cet intérêt en faisant travailler A. Poncet (thèse) sur le premier package français consacré aux méthodes de résolution par éléments finis ce dont il était très fier. Il s’est toujours efforcé de séparer l’analyse appliquée du calcul numérique.  Bien que les deux l’intéressaient, il va sans dire que le calcul était son point fort.

Ce domaine de recherche était peut-être le plus important pour lui, car il a rapidement compris que la solution numérique de l’EDP nécessiterait la résolution d’énormes systèmes d’équations, un fait fondamental pour le développement du calcul et des ordinateurs.

Cependant, le fait que la plupart des lois de la physique soient obtenues comme limites de quantités discrètes rapproché du fait que les équations résultantes doivent être discrétisées pour être résolues numériquement lui paraissaient étonnants et insensés ! Il n’était pas le seul à considérer ce phénomène. J. Von Neumann était également conscient de ce fait et a écrit à ce sujet dans la dernière partie de sa carrière. Je crois que, pour J. Von Neumann, les relations étroites entre la notion de machine et celle de modélisation ont été fondamentales dans l’élaboration du modèle d’automate cellulaire en tant qu’outil. Il faut lire son livre6 pour apprécier pleinement le développement de cette idée. Malheureusement, J. Von Neumann est décédé avant d’avoir pu achever ce travail. On peut comprendre l’étonnement de N. Gastinel en prenant connaissance des modèles de Von Neumann et Ulam vers 1972. Il a immédiatement commencé à travailler dans cette direction : des étudiants ont effectué des simulations et en étroite collaboration avec N. Gastinel, F. Robert, E. Golès et M. Tchuente ont étudié cet outil : un domaine de recherche fascinant qui commençait juste.

N. Gastinel a compris ce sujet comme une possibilité pour les processus locaux de coopérer ensemble dans le contexte plus large d’un calcul global : de ceci jaillit un double intérêt à la fois pour la modélisation et le calcul.

Rappelez-vous que cela s’est produit vers 1972, et que bientôt de nouveaux acteurs allaient monter sur scène pour compléter le concept de mathématiques du calcul de N. Gastinel.

En fait, deux autres outils étaient en cours de développement sous sa direction à Grenoble (ainsi qu’à Lille, Bordeaux…).

Le premier : Le travail de N. Gastinel réalisé depuis l970 avec A. Eberhard sur Ia F.F.T.,  donna naissance à une exceptionnelle thèse de Docteur-Ingénieur et des programmes de grande qualité. Il devint clair pour la première fois que la notion de complexité pouvait influencer et modifier la conception et les performances d’algorithmes. Naturellement, Noël Gastinel se devait d’utiliser cet outil et travailla sur lui ce qui conduisit à l’émergence de la théorie de la complexité. La découverte de Strassen a contribué à le pousser dans ce domaine de recherche : c’était une époque pionnière, remplie par l’aventure de la découverte et du développement des outils nécessaires à l’étude de la théorie. Il a réalisé l’importance de la notion de rang tensoriel et y a travaillé dur. Il a dirigé plusieurs étudiants sur ce sujet : C. de Polignac, M. Bouhier, B. Lacolle, et surtout C. Lafon. N. Gastinel publia des articles et donna des conférences sur le sujet. Tout cela contribua à propulser ce domaine à la mode. En dehors de Grenoble, il s’était également beaucoup intéressé aux contributions de Morgenstern et Nussbaumer (entre autres).

Enfin, son deuxième grand domaine d’intérêt fut le calcul formel. On peut même dire qu’au sein de la communauté mathématique, il était peut-être le seul à avoir pleinement réalisé le vaste potentiel de cette discipline. Je crois que l’idée de pouvoir compiler sans erreur l’a profondément impressionné. Il a lancé des études dans ce domaine avec Y. Siret : l’utilisation du LISP pour les calculs scientifiques n’était pas pratique courante dans les années 1970. Il va consacrer beaucoup d’énergie à ce domaine, en collaboration avec E. Tournier, C. de Polignac et J. Della Dora. Il a lui-même utilisé l’outil de calcul formel avec beaucoup de plaisir et nous a poussés à le développer. L’énorme volume de codes comme MACSYMA ou REDUCE l’a étonné. Il a transmis son enthousiasme à J. Martinet, un mathématicien pur qui était présent au laboratoire à cette époque et qui a développé le brillant calcul formel des formules de Runge-Kutta.  Au cours de ses dernières années, N. Gastinel disposait de tous ces outils et il eut le temps de tourner sa réflexion vers le problème du calcul en soi : il donna des conférences sur la notion de “calculabilité” et montra clairement comment on pouvait aborder ce domaine : c’est-à-dire comment concevoir des outils théoriques et pratiques pour contrôler les calculs. Ces outils allaient constituer l’axe majeur de ses derniers cours : il nous a montré comment les développer.

Il a encouragé de jeunes chercheurs (M. Tchuente, Y. Robert…) à étudier les architectures coopératives (réseaux systoliques), a contribué à la formation de l’équipe de Calcul formel à Grenoble, et s’est particulièrement intéressé au domaine des équations différentielles dans le champ complexe, nous obligeant à mettre le doigt sur la notion de base de la constructibilité.

Il a prouvé dans ses travaux avec M. Cosnard. A. Eberhard et J. Demongeot que les machines en tout cas sont très itératives et qu’il est nécessaire d’étudier les itérations de fonctions. (Il devait présider la thèse de C. Masse sur ce sujet, qui le passionnait lorsque son décès est intervenu).  Il était également intrigué, avec B. Lacolle par le problème des verres de spin, un sujet proche des automates cellulaires. Il dirigea un séminaire sur ce sujet pendant plusieurs années. Je viens de lire un article de S. Wolfram (7)  où automates cellulaires et calcul formels sont liés et j’y ai trouvé une phrase que N. Gastinel aurait certainement appréciée :

«  Les lois scientifiques sont des algorithmes »
« Scientific laws are algorithm »

Cette revue de son travail est loin d’être exhaustif de toutes ses contributions. Il aida beaucoup de personnes en dehors de Grenoble. Il me plait ici de rappeler ses longues discussions avec C. Lobry, C. Brezinski, J. Baranger, B. Germain-Bonne pour n’en citer que quelques-uns. Je ne suis pas compétent pour commenter ses contributions au développement du langage Algol, à la simulation des opérations machines, à la correction automatique de textes, à son intérêt indéfectible pour le graphique (à la tête d’un groupe de recherche et dirigeant des thèses sur le sujet), qui reflétait sans doute ses anciens penchants pour la géométrie descriptive.

Il faut aussi rappeler son intérêt pour l’histoire des mathématiques (Gauss, Laplace, Fourier, Hilbert, Von Neumann, Ulam, etc ). Il a également donné plusieurs conférences sur la genèse de l’informatique moderne ; il s’est aussi beaucoup intéressé à l’astronomie (il a même poli son propre miroir de télescope et dirigé la thèse de M. Nugeyre dans ce domaine). N’oublions pas sa passion pour la mécanique, la géométrie et la liste continue…

Cet homme était entré dans le monde de la Science, et dans sa science il était toujours modeste mais très exigeant : il se voyait surtout comme un professeur de Calcul. Sa réputation était internationale : il connaissait les Professeurs R.S. Varga. S. Winograd, J. Cohen (un Grenoblois de souche), G. Golub. G. Forsythe, A. Householder, O. Taussky, H. Rutishauser, P. Henrici, F.L. Bauer, H. Stoer, J. Wilkinson, A. Ostrowski, L. Collatz et bien d’autres ; en fait tous ceux qui ont contribué à cette jeune science de l’informatique moderne.

Une telle vitalité, une telle recherche et un tel enseignement est proprement stupéfiante, mais ce qui l’est encore plus, c’est le fait qu’il considérait ce travail comme seulement secondaire (avec peut-être un clin d’œil).

En réalité, sa passion principale était pour son centre informatique. Là, au milieu du bruit des machines et des ingénieurs, il était chez lui. Son admiration pour les techniques s’y est trouvée pleinement; souvent tôt le matin, il arrivait au Centre, appuyait sur un bouton pour savoir combien d’utilisateurs étaient sur le système, et faisait quelques remarques pointues sur les absents. Les changements d’ordinateurs ont été pour lui des champs de bataille (la notion de mémoire virtuelle, les réseaux, les graphiques, le bi-processeur IRIS 80 etc…) Personne ne sait vraiment à quel point il a apprécié ce travail au Centre de Calcul, mais peut-être que son sens du patriotisme fut aussi un facteur de motivation important dans sa vie. Il aimait profondément la France, et il était fier de travailler pour elle.

Avant de conclure, il faut mentionner son abondante générosité. Tout au long de sa vie. N. Gastinel a donné ses idées à ses collègues, chercheurs et étudiants. Pour lui, ceci était naturel, simple et honnête. Si quelque chose attirait son attention, (et il était intéressé par presque tous les sujets scientifiques), il disparaissait pendant une heure ou deux, et revenait avec quelques idées qu’il jugeait suffisamment importantes pour nous être présentées sans attendre. Il faisait souvent des erreurs, bien sûr, mais cela ne le troublait pas, et même erronée, son approche était toujours originale et intéressante.

Nous devons maintenant tourner la page. Il aurait préféré que l’on trouve ses idées réalistes plutôt que de parler de sa personne. Il comprenait bien les limites d’une mauvaise conception de l’Analyse Numérique, et il a travaillé dur pour développer les Mathématiques du Calcul. C’est à notre tour maintenant de reprendre la flamme.

De manière lumineuse, il a organisé et dirigé (avec une gentillesse paternelle) le séminaire sur l’Analyse Numérique pendant plus de 20 ans. Chaque session a donné lieu à des commentaires et des critiques cinglants. Certains étaient parfois assez forts… Ce séminaire était vital à ses yeux : l’esprit d’équipe était de la plus haute importance dans sa conception du travail collectif. On peut dire que ce séminaire était le berceau de ce qui devait devenir la notion originale de Calcul et d’Informatique.  Beaucoup de personne y ont participé, locaux ou non, mais tous considérés avec le même respect et enthousiasme.

Il nous a enseigné son mot d’ordre (qui pourrait même être un testament spirituel pour lui) : ne jamais construire d’empires, mais plutôt choisir un problème réel, aussi humble qu’il puisse paraître, et y travailler avec ténacité.  Ce point de vue ne lui a pas toujours valu que des amis, mais il avait foi dans les gens, et c’était capital.

Et, en effet, beaucoup de gens l’aimaient pour cela.

Références

(1) .l. VON NEUMANN, H. H. GOLDSTINE Numerical inverting of matrices of high order. Bull. Amer. Math. Soc. Vol. 53 (11) pp. 1021-1099 (1947).

(2) A.M. TURING Rounding errors in matrix processes. – Quat. 1.. Mec. Appl. Math. (1) pp. 287—308 (1948).

(3) A.C.M. Forum Communications of the A.C.M. Vol 14 (9) pp. 609 (Sept. 1971).

(4) N. GASTINEL
Comptes rendus de l’Académie des Sciences :
- Procédé itératif pour la résolution numérique d‘ un système d‘équations linéaires (5 Mai 1958).
- Sur le choix des pivots dans l’élimination de Gauss pour la résolution de systèmes linéaires (11 janvier 1960).
- Utilisation de matrices vérifiant une équation du 2ème degré pour la transmutation de matrices (7 mars 1960).
- Conditionnement d’un système d‘équations linéaires (11 Mai 196
9).
Thèse : Matrices du second degré et normes générales en Analyse Numérique Linéaire. Faculté des sciences de Grenoble. 17 Décembre l960.
Procédé de surdécomposition de normes – Num.. Math. 5 pp. 142-151 (1953).

(5) A.S. HOUSEHOLDER Introduction to Numerical Analysis, MC Graw Hill (1956)

Numerical Analysis. Lectures on Modern Mathematics Ed J. Wiley ansd sons (1963)

(6) J VON NEUMANN Theory of self reproducing automata A.W. Burks Ed. Illinois University Press (1966)

(7) S. WOLFRAM Les logiciels scientifiques, Pour la Science (Novembre 1984)